Pourquoi la France a soutenu la directive INSPIRE
Vers 1998, deux directions d’administration centrale du ministère de l’environnement ont commencé à publier des données publiques sur l’internet, respectivement sur l’eau et sur les risques majeurs et les sols pollués. Des modems à 56 Ko/s, pas de standards spécifiques pour les données, mais aussi le « Programme d’Action Gouvernemental pour la Société de l’Information » qui décidait : « un État plus transparent et plus efficace, améliorant les performances internes de l’administration et facilitant la vie de l’usager, via une réorganisation, une diffusion en ligne des informations publiques) et la généralisation des téléprocédures ». Que le petit ministère de l’environnement s’empare de l’internet pour valoriser son action et surtout ses préoccupations directement auprès de l’opinion publique n’était pas complètement vide de considérations tactiques et n’a peut-être pas été sans conséquence sur les comportements des autres acteurs de l’Etat.
Assez vite, les problèmes de la diffusion de l’information environnementale par un gouvernement d’un pays de la taille de la France, sont apparus, sous quatre formes :
- la récupération des données environnementales dans les administrations, qui mis en évidence la réticence à partager « ses » données, même au sein du gouvernement ;
- l’exploitation des données, hétérogènes, d’une variété infinie dans leur format, de leur structuration, de leur qualité ;
- la diffusion des données géographiques, obérées par le coût des données de référence, l’absence de standard, la rareté des compétences humaines ;
- l’appropriation par les citoyens de sujets d’une très grande complexité et une certaine limite à la pédagogie d’une administration (que disent les données ? A quoi cela sert ?).
La partie française de la négociation d’INSPIRE était largement alimentée par cette expérience de la diffusion et chercha à y inscrire des remèdes.
Notre système complexe a beaucoup progressé sur les aspects de la géographie, des standards. Le plus notable est sans doute la changement d’état d’esprit d’un grand nombre d’agents publics et de décideurs dans la diffusion d’informations publiques.
Toutefois, fin 2010, lors d’un Conseil des systèmes d’information du ministère chargé de l’agriculture, le directeur d’une DRAAF expliquait encore ainsi ses quatre besoins vis-à-vis de la donnée :
- « Comment savoir où sont les données extérieures dont j’ai besoin?
- Comment gérer la confidentialité (réelle ou imaginaire)?
- Comment régler les problèmes de conventionnement qui prennent trop de temps?
- Comment connaître la qualité des données (les miennes et celles des autres)? »
La mise en œuvre de la directive INSPIRE en France, et notre vision de l’Open data, vise d’abord à répondre à ces questions d’un décideur. Les premiers bénéficiaires de données qualifiées et accessibles dans des conditions claires et stables sont les décideurs des autorités publiques. Ils ne pourront pas, en échange, conserver par devers eux leurs informations non sensibles.
La mise en ligne des données de l’Etat permettra peut-être de répondre aussi au dernier constat, celui de la difficulté de la vulgarisation des informations liées au fonctionnement de l’éco-système (y compris économique), qui reste la principale gageure.
Nous savons que ce rôle pédagogique peut parfois être occupé par l’Etat, mais qu’il n’est pas toujours crédible (voir les enquêtes du CEA sur le risque majeur). Il se pourrait que la diffusion des données vise ainsi, essentiellement, à alimenter des médiateurs entre les professionnels et le citoyen… et parfois avec les décideurs. Ils proposent déjà, souvent, des analyses et mettent en perspective ces tera-octets d’informations désormais disponibles sur l’Europe. Bien sûr, ils seront parfois politiquement orientés, voire déformeront nos et vos informations. En cette matière, le rôle d’une politique de diffusion doit être de garantir l’accès aux données, et d’être neutre dans la mise en avant des analyses scientifiques. C’est tout, mais c’est déjà beaucoup.
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